Coopératives et économie sociale : pour en finir avec les fausses distinctions

Coopératives et économie sociale : pour en finir avec les fausses distinctions
Depuis l’adoption de la Loi sur l’économie sociale en 2013, les coopératives font officiellement partie du paysage des entreprises d’économie sociale au Québec. Pourtant, encore aujourd’hui, elles sont parfois exclues de certains programmes de soutien, simplement parce qu’elles versent des ristournes ou des intérêts sur les parts de leurs membres. Ce traitement repose sur une confusion tenace entre lucrativité, rentabilité, et redistribution équitable.
Alors, une coop qui verse des ristournes, c’est « à but lucratif » ?
Pas du tout. Contrairement à une entreprise privée, une coopérative ne vise pas le profit. L’article 128 de la Loi sur les coopératives est clair : les activités entre une coopérative et ses membres ne constituent pas un moyen de profit.
Une ristourne, ce n’est pas un bonus pour enrichir des actionnaires. C’est un ajustement économique, basé sur la contribution réelle des membres à l’activité de la coop (leur travail, leurs achats, etc.). En coop de travail, il s’agit souvent d’un rattrapage salarial : un retour sur les revenus générés collectivement, pour compenser un salaire de base parfois plus modeste pendant l’année.
Rentabilité ≠ lucrativité
Comme toute entreprise, une coopérative doit être rentable pour survivre, se développer et créer de l’emploi. Mais cela ne signifie pas qu’elle est « à but lucratif ». La différence se joue dans la finalité : les excédents ne servent pas à enrichir des propriétaires extérieurs, mais à renforcer l’entreprise… ou à améliorer les conditions de ses membres.
Et les intérêts sur les parts, alors ?
Refuser aux coopératives le droit de verser des intérêts sur les parts, c’est les priver d’un levier de financement essentiel. Ces intérêts permettent d’encourager les membres à investir dans leur propre coop, ce qui réduit la dépendance aux prêts bancaires et renforce l’autonomie financière. Encore une fois, il ne s’agit pas de rémunérer un capital spéculatif, mais de reconnaître un engagement économique dans le projet collectif.
La gouvernance coopérative : un critère clé
La gestion collective et démocratique fait partie intégrante de la définition d’une entreprise d’économie sociale. Ce n’est pas seulement la mission qui compte, mais la manière de fonctionner : un·e membre = un vote, un pouvoir partagé, et des décisions prises ensemble. C’est ça, l’économie sociale.
Coopératives de travail : des emplois à valeur ajoutée
Les coopératives de travail ne se contentent pas de créer de l’emploi. Elles créent des emplois de qualité, où les travailleuses et travailleurs sont aussi collectivement propriétaires de leur outil de travail. Ils participent aux décisions, à la gestion… et récoltent les fruits de leur engagement.
Ce modèle favorise :
- L’enracinement local
- Le développement de compétences entrepreneuriales
- Un haut niveau de mobilisation
- Un travail qui fait sens
Repenser les conditions d’accès aux programmes publics
Plutôt que d’exiger des coopératives qu’elles se privent de mécanismes pourtant sains et démocratiques (ristournes, intérêts sur parts), pourquoi ne pas poser des conditions claires, mais souples, comme :
- Atteindre un certain niveau de capitalisation avant de redistribuer des excédents
- Obtenir l’autorisation du partenaires financiers pour racheter des parts ou verser des ristournes
Ainsi, on s’assure que les fonds publics servent à un outil collectif tout en accordant la marge de manoeuvre nécessaire à toute coopérative.
En résumé : les coopératives sont bel et bien des entreprises d’économie sociale
Elles répondent à tous les critères :
- Finalité non lucrative
- Gouvernance démocratique
- Viabilité économique
- Réinvestissement collectif des excédents
- Création d’emplois durables
- Contribution au développement local
La ristourne n’est pas un profit. C’est une reconnaissance.