CODE3, première coopérative à obtenir le Sceau Concilivi
CODE3 est la première coopérative au Québec à avoir obtenu le Sceau Concilivi, une reconnaissance en conciliation famille-travail (CFT) de l’entreprise. Mais en quoi cela consiste exactement ? Nous avons interrogé son directeur général, Jacques Berger, pour en savoir plus.
Réseau COOP : Pouvez-vous présenter votre coopérative en quelques mots ?
Jacques Berger : CODE3 est une coopérative de solidarité qui offre des services en développement de logiciels sur-mesure, des formations en génie-logiciel et en cybersécurité, ainsi que des services-conseils en gouvernance TI. Nous sommes la première coop de solidarité en TI au Québec, et venons de fêter notre 10e anniversaire. Nous avons 15 membres travailleur.euse.s, nous sommes basés à Montréal mais nous avons des clients dans tout le Québec, en Ontario, en Colombie-Britannique et même en France.
Pouvez-vous décrire en quelques mots en quoi consiste le Sceau Concilivi ?
Concilivi est un OBNL qui sert à faire le rayonnement des mesures de conciliation famille-travail (CFT). Nous avons reçu tout au long du processus d’excellents conseils venant du personnel qui fait de l’accompagnement.
J’ai commencé à faire des recherches sur la CFT et suis tombé sur le Sceau de Concilivi. J’ai vu la promotion avant même que l’on puisse s’inscrire ! J’ai trouvé l’approche intéressante, le processus d’évaluation est complet.
Quelle a été votre motivation pour vous impliquer dans le processus ?
Notre coop était déjà flexible et optait déjà pour la conciliation mais de façon informelle. Nous avons toujours eu des relations de travail basée sur la confiance envers les travailleur.euse.s et les membres. Nous n’avions donc pas besoin de travailler sur cet aspect de maturité de l’entreprise pour enclencher le processus d’évaluation, nous voulions surtout formaliser et définir les balises de la CFT. Avant d’obtenir le Sceau Concilivi, c’était laissé au jugement du directeur général, les membres ne savaient donc pas toujours quelles demandes ils pouvaient faire, jusqu’où ils pouvaient aller. Grâce au Sceau, les membres savent ce qu’ils peuvent demander ou non, cela favorise donc l’autonomie et la responsabilisation du personnel.
Pouvez-vous décrire le processus d’évaluation ?
Dans un premier temps, il faut s’inscrire, cela engendre des frais (mais cela en vaut vraiment la peine !). Une fois inscrit, nous avons accès aux différentes étapes du processus.
Nous devons tout d’abord faire une analyse de la situation : un sondage anonyme est envoyé aux membres. Il contient des questions sur la CFT, les mesures existantes, leur perception de la CFT (s’ils sont à l’aise ou non de demander des mesures de conciliation). Un rapport nous est ensuite remis, cela donne vraiment le pouls de la situation et donne un aperçu de la culture d’entreprise. Pour CODE3, tout allait bien, nous n’avons pas vraiment eu de surprise. Nous avons surtout constaté que les membres étaient contents des mesures en place mais ne savaient pas trop ce qui était permis ou non.
Ensuite, nous devons rédiger une charte interne qui documente nos mesures et qui doit être approuvée par Concilivi. Tout au long du processus, Concilivi offre des conseils pour améliorer la CFT, et si notre charte répond à certains critères bien définis, nous obtenons le Sceau Concilivi.
Pour nous, la démarche en tout a duré 8 mois, de septembre à mai, mais cela a nécessité au final assez peu d’heures de travail de notre part, nous l’avons vraiment réparti sur plusieurs mois. Nous avons reçu un excellent accompagnement durant ces 8 mois, ce qui a facilité toute la démarche. La démarche est très accessible, même pour les organisations qui ont un quotidien très occupé.
Quels aménagements avez-vous faits ?
Notre aménagement principal a été la création de la charte de la CFT. Nous y avons documenté tout ce qui est permis, ce qui existe, comment en faire la demande. Par exemple, cela peut concerner les vacances : auparavant, cela a toujours été laissé à la discrétion des membres sur comment ils utilisaient leurs vacances. Grâce à la CFT, c’est maintenant bien spécifié que les vacances doivent être utilisées pour se reposer. Pour un rendez-vous médical par exemple, il existe d’autres formes de congés, de reprises d’heures, etc.
Nous avons également documenté deux nouvelles situations :
- Le droit à la déconnexion, qui n’avait jamais été demandé. C’est tout simplement le droit de ne pas être joignable à certains moments et ne pas subir de pression sur le fait de ne pas répondre à son téléphone ou à ses courriels pendant ces moments définis.
- L’ajustement de la charge de travail dépendamment des événements de vie. Cela peut concerner des familles avec enfants, mais la CFT n’est pas que ça ! Il peut s’agir d’un couple sans enfants qui vit un divorce, par exemple. Si une personne chargée de projet qui vit déjà beaucoup de pression dans son travail et vit en plus de cela un divorce, notre charte CFT permet de baisser d’un cran ses responsabilités, le temps que les choses se replacent. C’est un beau défi de logistique à l’interne, mais c’est une demande absolument légitime. C’est le même principe qu’un congé parental.
Comment ont réagi les employé.e.s / membres travailleur.euse.s à la démarche ?
Au début, l’équipe avait surtout hâte de voir ce que cette démarche allait donner, c’était encore abstrait. Cela a vraiment commencé à être concret avec la mise en place de la charte CFT. Une fois la charte validée, c’était surtout une information bonne à savoir : plusieurs ont réalisé que la CFT ne s’adresse pas juste aux parents avec enfants. Cela peut être un soulagement pour des personnes ayant un parent malade par exemple : non, ce qui est demandé à la compagnie n’est pas trop demander. La charte enlève tout doute du type « vais-je être mal perçu », ou « est-ce que j’en demande trop ? ».
Dorénavant, quand les membres ont besoin d’une mesure de conciliation, ils sont moins mal à l’aise de demander. Les gens étaient raisonnables et continuent de l’être avec la mise en place de la charte.
Est-ce que le processus est bien adapté aux entreprises coopératives ?
J’ai une pensée utopique : j’ai l’impression que dans le monde de l’économie sociale, les gens sont plus prêts à faire confiance à leurs membres, employé.e.s, partenaires. Les gens qui vont fonder une coopérative, par leurs valeurs mêmes ont déjà compris qu’il fallait être responsable pour avoir des relations de travail empreintes de liberté et de flexibilité. C’est donc un milieu favorable pour faire fleurir la CFT, et montrer que nous sommes des champion.ne.s des relations de travail plus saines. Si les coops ne peuvent pas démontrer qu’on peut se faire confiance, les autres ne le feront jamais !
Est-ce que vous recommandez aux coopératives du Réseau COOP d’appliquer pour obtenir le Sceau Concilivi ?
Je recommande vraiment à tous les membres du Réseau COOP d’entamer la démarche pour obtenir le Sceau. Dans certains contextes, cela peut être attirant pour des candidats potentiels, dans une démarche de rétention et de mobilisation des employé.e.s. Pour nous, nous sommes la seule entreprise en TI à avoir la parité : le fait que nous ayons une culture de la flexibilité, que la CFT soit écrite noire sur blanc sur notre charte, que nous ayons fait la démarche pour obtenir le Sceau Concilivi, nous permet certainement d’attirer et retenir des talents femmes. Chez nous, demander à travailler 4 jours par semaine peut se moduler très facilement. Nous pouvons aussi garder les nouveaux diplômé.e.s : en début de carrière, ils sont attirés par le salaire ou le développement professionnel, mais si vient le temps de fonder une famille, alors ils restent chez nous car ils ont la flexibilité nécessaire pour concilier leur nouvelle vie de parents et leur travail. Notre taux de rétention est donc très bon.
Propos recueillis le 11 mars 2021 par l’équipe du Réseau COOP lors d’un entretien zoom.
Merci à Jacques Berger d’avoir répondu à nos questions. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site internet du Sceau Concilivi.